Écriture inclusive : un peu, beaucoup…pas du tout ?

Déc 13, 2021 | Enquête

J’avoue. Lorsqu’en 2014 je me suis décidée à adhérer au Club, je n’ai pas prêté attention à l’entièreté de son nom d’alors « Le club des communicants de Grenoble ». Biais cognitif, forme d’acceptation inconsciente de la prévalence du masculin sur le féminin ? Je ne saurais dire… Et puis un jour, l’écriture inclusive est arrivée. Avec curiosité et intérêt, j’ai suivi les débats. Passionnés, frôlant la caricature et le plus souvent cristallisés autour du fameux point médian. J’avoue. J’ai beaucoup ri…

Qui s’intéresse à l’histoire de la langue française sait qu’elle évolue et s’adapte. Son usage s’inscrit dans des contextes socio-culturels qui eux-mêmes ont évolué. En 1767, le grammairien Nicolas Beauzée a écrit : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle » … Aujourd’hui, qu’en est-il ? La règle prévaut : l’adjectif qui qualifie plusieurs noms de genres différents s’accorde automatiquement au masculin. Mais les choses changent…et cahin-caha, l’écriture inclusive a fait son chemin. Est-elle arrivée jusqu’aux adhérents et adhérentes du Club ? C’est ce que j’ai voulu savoir à travers un questionnaire transmis aux adhérents et adhérentes du Club courant novembre 2021, soit 85 personnes.

L’un des premiers enseignements pourrait être le taux de participation : 26%. Ce n’est pas beaucoup, j’en conviens. Non sujet ? La question n’intéresse pas (ou plus) ? La période n’était pas propice ? Le mail du Club s’est retrouvé noyé dans le flot des courriels…Résultat, difficile de procéder à un vrai dépouillement. Je n’ai donc pas joué avec les tableaux croisés dynamiques pour faire des rapprochements liés à l’âge, le type d’activité et le taille de l’entité. Côté sexe, seuls 3 hommes ont répondu.

Parce que 68 % de mes homologues déclarent pratiquer cette écriture, les vingt-deux réponses reçues (et j’en remercie leurs auteurs et autrices 🙏) méritent d’être partagées.


Qu’entend-on par écriture inclusive ?

Les questions reposent pour l’essentiel sur la forme prise par l’écriture inclusive quand elle est mise en pratique. Il n’a pas été facile de trouver une définition faisant l’unanimité. Est-ce le mot « écriture » ? Est-ce l’adjectif « inclusive » ? Au gré de mes lectures, j’ai noté plusieurs variations : écriture épicène, écriture égalitaire, écriture non-sexiste ou encore écriture non genrée. Dans tous les cas, il est question d’écrire (et de parler) selon « un ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques pour assurer une égalité de représentation entre les femmes et les hommes ». Les réponses aux « attentions graphiques et syntaxiques » proposées établissent le classement suivant :

  1. Exprimer à la fois le masculin et le féminin avec le point médian (95,5%)
  2. Féminiser les noms de fonctions, grades, métiers et titres1* (68 %)
  3. Les doublets (mentionner explicitement le masculin et le féminin) (64%)
  4. Le langage épicène ou formulation neutre (50%)
  5. Accorder l’adjectif avec le sujet le plus proche, et non au masculin (23 %)
  6. Eviter l’antonomase du nom commun « Femme » et « Homme » (9%)

Ma première surprise est la primauté accordée au point médian. Or, l’écriture inclusive ne se limite pas à ce seul signe typographique, objet de beaucoup de beaucoup de crispations. Dans une démarche d’écriture inclusive, toutes ces propositions sont possibles, et pourraient même éviter son recours. D’ailleurs, les membres du Club déclarant la pratiquer utilisent les règles suivantes :

  • Mentionner explicitement le masculin et le féminin (76,5%),
  • Utiliser des termes neutres (71 %)
  • Accorder en genre des noms de fonctions, grades, métiers et titres (60%).

Et s’agissant de leurs usages typographiques, c’est d’abord le recours au point traditionnel qui l’emporte (53%), suivi du point médian (35%) et, quasi à égalité, le tiret et les parenthèses (17,5%)

Pourquoi l’écriture inclusive est-elle pratiquée ?

Si elle a été décidée à 37,5% par la direction de la communication, plusieurs réponses libres font état d’un choix engagé de la part de mes homologues, relevant d’un choix personnel, dans le même esprit que ceci : « Par mes soins, je trouve ça important d’écrire de manière inclusive. J’avoue que je ne le pratique pas dans tous mes écrits, mais quand je le fais je m’attache à bien le faire. » Cependant, 50 % des retours considèrent que l’écriture inclusive peut contribuer à réduire le rôle des stéréotypes de genre.  

Je laisse le mot de la fin à l’un des commentaires « l’écriture inclusive est symbolique et peut donc avoir un effet sur les perceptions. Mais elle ne suffit pas et est un tout petit bout du sujet sur l’égalité hommes/femmes ».

Pour ma part, et peut-être cela s’est lu, j’essaye autant que possible de la mettre en pratique. Dernier aveu : je n’utilise pas le point médian 😉

Pour en savoir plus :

* Depuis 2019, l’Académie Française s’est déclarée favorable à la féminisation des noms de métiers, de fonctions, de titres et de grades.